yeah, i'm an asshole (r.)

Lennie avait besoin de décompresser, d'oublier tous ses problèmes l'espace d'une soirée. C'est pourquoi elle se rendit à la première fête venue espérant ne pas avoir à y croiser des connaissances. C'était sans compter sur la présence de Reggie Keynes. Elle ne le vit ni ne l'entendit approcher, elle l'aurait sinon -probablement- fui comme la peste. Elle laissa échapper un long soupir qui en disait long sur son agacement. « Je m'éclatais, nuance. Et je m'appelle Lennie. » Il fût un temps où elle appréciait encore ce petit sobriquet mais désormais, incapable de l'entendre sans l'accompagner d'un grincement de dent ou d'un regard des plus noirs. Elle l'observa intensément souhaitant plus que tout lui arracher ce sourire satisfait du visage, et pourtant c'est ce même sourire qui provoquait en elle un désir contrôlé. Reggie s'empara de la bière d'un jeune homme qui passait par là et qui n'avait rien demandé à personne. Lennie l'entendit prononcer quelques injures, ce à quoi elle répondit par un clin d'œil non dissimulé et un sourire des plus innocents. Le jeune homme sourit en retour et fit volte-face. « La ferme, Keynes. » Elle souhaitait juste passer une soirée tranquille, loin de tout problème. Était-ce trop demander ? Elle vida le verre d'une traite avant de se tourner vers son amie qui était proie aux insinuations douteuses de Keynes. Les présenter ? Hors de question. Si c'était pour que la jeune blonde finisse comme elle... « Je conseille pas. » murmura-t-elle à l'oreille de son amie avant d'ajouter, sourire aux lèvres : « Testé et non approuvé par Leonora Harris. Pas remboursé non plus, le comble. » Elle s'était jurée de ne plus se laisser faire par Reggie Keynes depuis leur fameuse aventure. Alors s'il s'attendait à ce que ses sourires et plaisanteries douteuses l'aident d'une quelconque façon que ce soit, il allait très certainement être déçu. Elle se maudissait d'avoir été si faible et d'avoir partagé ses draps. Elle appréhendait surtout la réaction de son aîné qui n'était autre que le meilleur ami de Reggie. Elle savait bien que ce dernier avait plus de soucis à se faire qu'elle mais cela ne présageait rien de bon pour elle non plus. Elle allait avoir droit aux sermons de Laszlo. Elle avait donc décidé de ne pas lui en toucher mot mais, ça, Reggie n'avait pas besoin de le savoir. S'il voulait s'amuser, il n'avait qu'à demander. « Oh, avant que je n'oublie. Mon frère va te tuer, il est furieux. Je te conseillerais plutôt de prendre tes distances, je voudrais pas qu'il vienne abîmer ce si beau visage. » dit-elle tout en frôlant légèrement la joue du jeune homme de son index.

Quelle idiote ! Coucher avec le meilleur ami de son frère était probablement l'une des plus grosses erreurs de sa vie. Et pourtant c'est seulement après avoir appris pour sa grossesse que les doutes et les regrets s'étaient mis à happer sa conscience. « Je sais que tu sauterais sur n'importe quelle occasion pour te déshabiller mais je préfère m'en passer, merci. » Il accompagna ses paroles de gestes et leur tourna le dos. Si la piscine se trouvait plus près, elle l'y aurait probablement poussé. D'un autre côté, son doigt la démangeait, une bonne pichenette lui remettrait peut-être les idées en place ? Elle émit un grognement non dissimulé en réponse à la remarque de Reggie. Certes, Laszlo aimait son meilleur ami mais une chose était certaine : il ne le ferait jamais passer avant Lennie. Elle en mettrait sa main à couper. Oh, elle ne se faisait pas d'illusions, elle savait qu'elle allait -elle aussi- passer un mauvais quart d'heure mais le fait de savoir qu'elle n'allait pas être la seule à pâtir de cette situation la rassurait un peu. « Tu veux que je lui laisse un message ? » ajouta-t-elle. Il souffla sa fumée sur le visage de la brunette qui toussa à plusieurs reprises avant de lui arracher la cigarette des mains et de la jeter dans un gobelet qui se trouvait là. Mentir ne lui allait donc pas au teint. S'il avait seulement idée... Elle n'avait pas encore osé lui faire part des conséquences de leur action. Imaginer la réaction du jeune homme la mettait mal à l'aise. Elle craignait sa réponse. Enfant était synonyme de responsabilité. S'il voulait passer la soirée avec Blondie, il pouvait se faire plaisir, elle la connaissait à peine. Et si Reggie pensait que passer son bras autour de la jeune blonde allait susciter une émotion autre que de la pitié chez Lennie, il se mettait clairement le doigt dans l'œil. Après tout, elle n'était pas venue pour jouer à la baby-sitter. Si Blondie -c'est ainsi que l'avait baptisée Lennie- souhaitait s'envoyer en l'air avec le premier venu, la brunette, elle, n'en avait que faire. Il y a encore quelques semaines, elle se serait immiscée entre les deux jeunes gens histoire de les séparer et d'épargner à son amie une déception certaine mais quelque chose en elle avait changé depuis la nouvelle de sa grossesse. « J'hallucine. » Elle les toisa tous deux du regard, attrapa une bouteille de bière sur le comptoir. Elle fixa longuement la bouteille avant de murmurer : « Tu as besoin d'une amie et j'ai besoin de réconfort. » Elle fit donc demi-tour histoire de trouver une amie à sa pauvre bouteille : elle attrapa ainsi une nouvelle bouteille et se dirigea finalement vers la plage. Boire n'était probablement pas une bonne idée, d'autant plus qu'elle tenait très mal l'alcool.

Les minutes -qui semblaient durer une éternité- s'écoulaient alors que la jeune Harris se promenait nonchalamment sur la plage, bouteilles de bière en main. Ses jambes, prêtes à lâcher prise, elle s'installa délicatement sur le sable fin, le regard tourné vers la mer. Alors qu'elle écoutait le chant des vagues, yeux à poings fermés, sa respiration se faisait plus soutenue, plus calme. Cet endroit avait toujours eu le don d'apaiser ses tensions. Loin du brouhaha de la fête, elle se sentait bien. Très bien, jusqu'à ce qu'une voix plus que familière ne la tire de ses rêveries. Reggie. Elle se saisit d'une bouteille et avala une gorgée du breuvage sans déglutir. « Va-t-en, Keynes. » soupira-t-elle sans pour autant se retourner. Ce n'est pas qu'elle le détestait, elle n'était juste pas d'humeur à écouter ses railleries incessantes. Il n'avait pas mauvais fond. La preuve, il l'avait suivi jusqu'ici alors qu'il avait un ticket avec la jeune blonde de la fête. Il pouvait prétendre ne pas se soucier de Lennie et de ses sautes d'humeur mais il n'était pas venu à ses côtés simplement pour la tanner. Enfin, c'est ce qu'elle se plaisait à penser. « Quelle conversation ? T'appelles ça une conversation ? » se moqua-t-elle alors qu'il venait se poser à ses côtés. Apparemment, il tenait à ses cigarettes plus qu'à sa propre vie. Elle fixa ladite cigarette, pensive, avant de la lui arracher des mains et d'en tirer une latte tout en ignorant son interrogation. Ce qui était différent ? Ah, s'il savait... il ferait certainement moins le fier. Il fallait la jeune femme une certaine dose de courage pour entamer le sujet de la grossesse. Le hic, c'est qu'elle n'était pas prête. Pas prête du tout. « C'est immonde, comment tu peux fumer ces conneries ? » Elle se rendit compte du ridicule de la situation et fit passer la bière à Reggie. « Tiens, rends-toi utile. Me laisse pas en boire. » Elle laissa échapper un rire non dissimulé. C'était un rire des plus nerveux. Il lui avait fallu une demi seconde avant de réaliser qu'elle devait penser pour deux, manger pour deux et s'empoisonner le système n'était certainement pas la bonne solution. Elle sourit, malgré elle, à la dernière remarque de Reggie avant de grimacer et de lui donner un coup de coude. « Haha. La ferme. » Elle se mit à rire de façon incontrôlée et finit par fondre en larmes. Les sautes d'humeur n'étaient-elles pas censées intervenir beaucoup plus tard dans la grossesse ? Elle n'en avait aucune idée mais elle n'aimait pas ça du tout. Elle avait l'air ridicule mais ça, c'était une chose dont Lennie ne s'était auparavant jamais souciée. Elle prit une profonde inspiration, un air des plus sérieux et lança : « Il faut qu'on parle. » Rassurant.

Le silence qui s'était installé entre eux avait quelque chose d'apaisant. C'était chose inhabituelle. En effet, chaque fois que les deux interlocuteurs se croisaient, Lennie avait droit aux moqueries -à foison- de son camarade et réciproquement. Quand Reggie ne donna pas suite à la critique de sa voisine, un sourire se dessina sur les lèvres de cette dernière. C'était bien la première fois que le jeune homme ne contestait pas les propos de Lennie. Elle vit le visage de Reggie se crisper quand elle tendit son bras pour attraper la cigarette. S'il avait peur qu'elle ne l'écrase sur son visage, il n'avait pas de soucis à se faire. Certes, elle y avait pensé mais elle n'était pas si violente. Le tabac la rebutait. Sa première expérience avec une cigarette en main avait été désastreuse. Elle avait failli mourir étouffée, depuis, elle a ce poison en horreur. Il y a encore quelque temps, elle l'aurait probablement sermonné sur les dangers du tabac, répétant à tout va qu'il détruisait ses poumons à petit feu mais le truc, c'est qu'elle n'était pas dans son état normal. « Ah, te noyer, ça faisait partie de mes résolutions pour l'année. » « Faisait », car malgré toutes les grossièretés qu'elle pouvait lui cracher à la figure, elle allait avoir besoin de lui à ses côtés pendant la grossesse. Elle avait donc décidé de repousser l'opération noyade à plus tard. Oh, il ne relèverait probablement cette petite nuance, elle en était persuadée. Alors qu'elle éclatait en sanglots, elle sentit la présence rassurante de Reggie à ses côtés. Elle se laissa aller à cette étreinte presque inattendue, essayant de trouver les mots pour lui annoncer la nouvelle de sa grossesse. Il allait la détester. Ce n'était pas entièrement sa faute mais elle savait que Reggie n'était pas le genre de mec à s'imaginer avec un gosse, du moins, pas tout de suite. Être papa ne faisait certainement pas partie de ses plans et, malgré tout, Lennie comprenait. Elle n'était pas prête non plus. Les pleurs cessèrent. « Réconforter les gens c'est pas ton fort, hein ? » lança-t-elle sur le ton de la plaisanterie. La maladresse de Reggie avait amusé la jeune femme si bien qu'elle laissa échapper un rire des plus sincères. Toutefois, les rires allaient-ils faire place à de nouvelles larmes ? Elle devait lui dire la vérité, elle ne pouvait pas garder ce secret plus longtemps. Reggie tenta vainement d'apaiser la tension qui s'était créée suite à l'annonce de la jeune femme. Cette dernière ne réagit pas, un air sérieux toujours affiché sur le visage. « Reggie, on a fait une connerie. » commença-t-elle. Elle n'osa plus continuer alors qu'il l'interrogeait du regard. Elle ne savait pas si elle pouvait arriver à bout de cette conversation. Ses fins doigts jouaient fébrilement avec le sable alors qu'elle détournait le regard. Elle se maudissait intérieurement de ne pas lui en avoir parlé plus tôt. Plus elle attendait et plus son courage se dissipait. Alors c'était probablement maintenant ou jamais. Elle ferma les yeux, prit son courage à deux mains et débita ces quelques paroles : « Je suis enceinte. » Elle n'osa pas rouvrir les yeux. Elle resta assise, les yeux fermés, n'osant pas le moindre mouvement. Aucun bruit ne parvenait à ses oreilles. Il s'était enfui ou avait fait une attaque. « Reggie, t'es toujours là ? » Ridicule, elle était ridicule.

Réconforter les gens ne lui arrivait pas souvent. Rien de bien étonnant là-dedans. Depuis le temps qu'elle le connaissait, jamais il ne lui avait montré ce côté de sa personnalité. Excepté cette nuit où tout avait basculé. La nuit qui les avait mené à l'instant présent. Lennie aurait voulu ne pas avoir à mettre fin à cette ambiance paisible mais le mal avait été fait et le secret avait été dévoilé. Le silence était désormais roi et les secondes paraissaient durer une éternité. Reggie se leva soudainement suivie de Lennie. La main du jeune homme qui, il y a quelques instants, se trouvait dans le dos de la demoiselle serrait maintenant le bras de cette dernière. Elle souhaitait pousser des cris de douleurs mais aucun son ne parvenait à franchir les barrières de ses lèvres. Ses yeux s'étaient embués, ses membres tremblants, elle avait une difficulté folle à tenir sur ses deux jambes. Elle n'avait jamais bien réagi à la violence, qu'elle ait été physique ou morale. Ses yeux se posèrent sur la main du jeune Keynes alors qu'elle tentait vainement de dégager son bras. « Reggie. » parvint-elle à prononcer dans un souffle. « Reggie, arrête, tu me fais mal. » Mais il ne l'entendait pas, il ne voulait pas l'entendre. Il lâcha finalement prise et Lennie porta sa main autour de son bras endolori, n'osant pas croiser le regard furieux de son interlocuteur. Elle ne l'avait jamais vu dans un tel état. Elle n'osait pas le dire mais, à cet instant, Lennie était terrifiée. Elle recula de quelques pas puis se rendit compte de la bêtise de son geste. Il s'était emporté. C'était Reggie, il ne lui ferait aucun mal, si ? A dire vrai, elle ne savait plus si elle devait encore lui trouver des excuses. « Sois pas con, pourquoi est-ce que je mentirais ?! » Il faudrait être infiniment cruelle pour faire une telle blague à quelqu'un, et la cruauté ne faisait pas partie intégrante du vocabulaire de Lennie Harris. Que voulait-il qu'elle fasse ? Qu'elle lui mente pour le rassurer ? Décemment pas. Et puis les mots qu'elle redoutait tant furent prononcés. Elle secoua la tête de gauche à droite, les larmes suivant leur trajectoire sur ses joues humides. « Non. NON. T'as pas l'droit d'me demander ça. » Elle n'en croyait pas ses oreilles. Il ne pouvait décemment pas lui demander de faire une chose pareille. Ni une ni deux, sa main vint se poser violemment sur la joue de Reggie, pris au dépourvu. Elle plaqua sa bouche de ses deux mains, chamboulée par les événements récents. Elle n'avait levé la main sur personne, jamais. Jamais. « Je garde cet enfant que tu le veuilles ou non. Tu veux jouer au lâche, va-t-en, Reggie, personne ne te retient. J'espère juste que tu ne regretteras pas ta décision par la suite. Sincèrement, je ne te souhaite que ça, une vie dépourvue de remords. Toutefois, si un matin tu te réveilles et que tu changes d'avis, la porte de chez nous sera grande ouverte. Tu n'auras qu'à sonner. » Du Lennie tout craché, elle ne souhaitait de mal à personne. Pas même à son pire ennemi.

Lennie observait le jeune surfeur faire les cent pas et l'accuser de tous les maux, ne faisant aucune remarque de son côté. Il répétait ne pas vouloir de cet enfant, tant pis. Lennie l'aimerait pour deux. A cet instant, elle se sentait capable de lui offrir une vie des plus heureuses même sans la présence d'un père. Oh, elle ne souhaitait à aucun enfant de grandir sans figure paternelle mais il lui était également impossible de songer à l'idée d'abandonner le petit être qui grandissait désormais en elle. Elle continuait à fuir le regard de son interlocuteur dont la colère ne semblait pas se dissiper. « T'as l'air d'avoir compris comment ça marche, t'as qu'à écarter les cuisses! » A ces mots, Lennie lui fit cadeau d'une nouvelle gifle. « Je te déteste, je te déteste, tu me dégoûtes. » Sentant la rage bouillonner en elle, la jeune femme s'approcha de lui et se mit à l'asséner de coups. Toutefois, ses faibles poings ne la conduiraient probablement nulle part. Elle espérait qu'il ne pensait pas réellement toutes les horreurs qui sortaient de sa bouche et que ça n'était que sa colère qui parlait. C'était vraiment l'idée qu'il se faisait d'elle ? S'était-elle plantée le doigt dans l'œil quand elle avait décidé qu'il n'était pas qu'un bon à rien de surfeur ? Qu'il méritait son attention ? A une époque -pas si lointaine, quoiqu'on puisse en dire- Reggie, c'était le meilleur pote de son grand frère et rien d'autre. Puis elle avait appris à le connaître et il était devenu plus que l'ami de son frère, il était devenu son ami. Elle se rendait compte qu'elle s'était peut-être trompée et qu'elle n'aurait jamais dû lui accorder sa confiance. « Tu ne penses pas vraiment ce que tu dis. » Elle refusait tout simplement de l'accepter. Elle avait envie de le détester, elle en avait tellement envie mais elle n'y arrivait pas. Il ne méritait ni ses pleurs ni son pardon et pourtant, voilà qu'elle se mettait à s'excuser. A s'excuser de vouloir garder l'enfant, à s'excuser de lui avoir gâché la vie. « Je suis désolée. » hurla-t-elle. « D'accord ? Je suis désolée d'avoir gâché ta vie. Ça y est, t'es content ? C'est ce que tu voulais m'entendre dire ? » Sa voix se brisa. Il semblait s'être calmé mais ses propos n'étaient toujours pas satisfaisants. Alors il avait pris sa décision, elle ne pourrait pas compter sur lui. « Tu peux me détester, Reggie, mais je garde cet enfant. L'erreur, c'est d'avoir cru que je pouvais te faire confiance. L'erreur, c'est d'avoir croisé ta route. » Elle ne pensait pas réellement ce qu'elle disait mais il n'en saurait rien. Affaiblie par tous ces cris et ces coups qui volaient, elle se laissa finalement tomber dans le sable, la tête enfouie entre ses bras. « J'espère que tu trouveras une bonne excuse à donner à Laszlo et tous les autres. » ajouta-t-elle d'un air distant. Des menaces en l'air ? Elle-même n'en avait aucune idée. Elle ignorait si elle se sentait ainsi capable de détruire la réputation du jeune Keynes.