Wishing you were here with me now. (r)

Déambulant sur la plage, Hugo saluait quelques personnes, s'arrêtait de temps à autres pour discuter, toujours avec son gobelet rouge entre les mains pour se rafraîchir à l'aide de rhum quand sa gorge s'asséchait. La soirée était un succès mais ça ne l'étonnait guère. Promettre une nuit de folie au bord de l'eau, avec un feu de camp géant et boisson à volonté, et y ajouter son nom, et la fête était garantie de battre son plein. Cependant, Hugo n'était pas forcément d'humeur à se mélanger aux autres et à rire comme l'insouciant qu'il était en temps normal. Il avait aperçu Clare quelques minutes auparavant et il ne pouvait désormais plus se l'enlever de la tête. Elle ne l'avait pas vu, du moins leurs regards ne s'étaient pas croisés, mais Hugo se sentait obligé de la chercher du regard alors qu'un athlète universitaire lui racontait le dernier match avec trop de détails pour que le joli blond puisse le suivre. Son regard s'était en effet posé sur Clare au loin, le regard perdu sur le feu de camp alors que des abrutis s'amusaient à danser de façon suspecte à côté d'elle, sûrement déjà trop ivre pour se rendre compte à quel point ils avaient l'air de parfaits abrutis. Cette vision arracha un sourire amusé à Hugo, ce que son interlocuteur prit comme une invitation à continuer avec encore de plus beaux exploits. « Je reviens, » lança-t-il subitement au jeune homme sans lui lancer un seul regard avant de déguerpir. Après quelques minutes, il se trouvait derrière Clare, observant sa silhouette sombre qui faisait contraste avec le feu scintillant. Il resta ainsi quelques secondes, sans rien dire, sans se faire entendre. Il trouvait son corps parfait, et son visage encore plus. Il ne pourrait jamais décrire ce qu'il ressentait quand il plongeait son regard dans ses grands yeux bleus azurs. « Clare ? » Hugo s'approcha un peu plus de la principale intéressée, lui offrant un sourire quand elle se retourna vers lui. Il lui tendit un gobelet qu'il avait prit avant de venir la voir puis glissa son regard sur le feu de camp. « Tu m'as l'air captivée par cette oeuvre d'art, » plaisanta-t-il en regardant la montagne de bout de bois dans laquelle plusieurs individus avaient jeté des objets diverses, pour faire une blague, se débarrasser de souvenirs douloureux, ou pour essayer de faire grimper le feu encore plus haut. Autant dire que ça ne ressemblait à rien du tout.

Ses yeux fixaient le feu de camp qui s’offrait à elle.  Les flammes étaient hautes, la jeune Clare pouvait sentir la chaleur sur la peau de ses épaules dénudées. Elle tenait son verre d’une main, et l’autre était refermée sur son bras. Les feux de camp était l’occasion  de se retrouver près de la plage avec ses amis. D’ailleurs la jeune femme s’était légèrement isolée de ses amis, qui étaient entrain d’enchaîner verre sur verre. Elle savait néanmoins qu’Hugo était là et qu’il n’allait pas tarder à apparaitre dans son champ de vision. Pour l’instant, elle ne voulait pas y penser. Hugo. En voilà un sujet sensible. Il avait été son premier amour et malgré toutes ses années, elle ne l’avait pas oublié. Soupirant, la jeune barmaid scruta son verre vide et fit une moue, pensant qu’il fallait peut-être qu’elle reprenne un autre verre. Une voix derrière elle retentit. Elle reconnue aussitôt son timbre de voix si particulier. Lorsqu’il l’appelait par son prénom, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un frisson parcourir son échine. « Hugo. » souffla-t-elle. La jeune femme était surprise de le voir devant elle, ils ne s’échangeaient que très peu de mot, la jeune femme repoussait sans cesse l’échéance, des banalités en somme, de la politesse. Mais peut-être que ce soir était bien le soir. Ses prunelles croisèrent les siennes et elle répondit à son sourire. « Ah. Merci , justement je pensais m’en prendre un autre. » dit-elle en prenant le verre qu’il lui tendait. Elle but une gorgée avant de répondre à son affirmation sur la fascination que pouvait exercer le feu de camp sur elle. « Oh.. oui je dois avouer que c’est du grand art ! » ajouta-t-elle sur un air plaisantin. Hugo n’avait pas changé, il était toujours le même. Clare approcha son verre de ses lèvres rosées et l’inclina afin de faire couler le liquide blanc, cet « or blanc », le rhum, qui dévala à toute vitesse dans sa gorge délicate. Elle pensait qu’elle allait en avoir besoin, histoire de mettre sa fierté de côté et de pouvoir lui parler franchement. « Sinon, c’est une belle soirée, tu t’amuses bien ? » Elle se tourna vers lui et lui sourit. Elle ne savait pas quoi faire d’autre, d’ailleurs. Son regard vagua sur la mer calme, dont les vagues venaient s’échouer sur le sable fin de la plage. Un petit vent léger vint s’insinuer dans ses cheveux et déposer un baiser froid sur son visage. Autrefois, elle glissait sur ses vagues et touchait du bout des doigts l'eau, mais ça c'était il y a longtemps. Secouant légèrement la tête, elle se concentra plus sur Hugo.

Il avait perdu l'habitude de lui parler et d'être à l'aise avec elle. Après son accident, Clare s'était éloignée de tout ce qui se rapprochait à son amour pour l'eau et Hugo en faisait partie. Elle l'avait rejetée et continuait encore de le faire, préférant vivre sa vie le plus loin possible de lui, visiblement. Seulement Hugo ne se dégonflait pas. Cela faisait des années qu'il avait arrêté de l'appeler chez elle pour essayer de reprendre là où ils s'étaient arrêtés, mais son coeur continuait de se serrer lorsqu'il la croisait dans les rues de Surfers Paradise, même après toutes ces années. Fatigué de ces rencontres polies et brèves qu'ils connaissaient depuis leur rupture, Hugo avait décidé de prendre les devants et d'aller adresser la parole à Clare, prenant le risque de se prendre une nouvelle veste. La jeune femme parut pourtant encline à passer un moment avec lui, et le sourire naturel d'Hugo s'élargit avec sincérité. « Bizarrement, non, » répondit-il à la question de son interlocutrice, ce qui l'étonnerait elle aussi puisqu'elle le connaissait assez bien pour savoir qu'il était toujours le premier à vouloir faire la fête. Il ne se prenait pas au sérieux et préférait s'amuser plutôt que de faire face à ses responsabilités (ce qu'il faisait néanmoins quand il le devait). « Je ne suis pas vraiment d'humeur à me mélanger aux autres, ce soir. » A vrai dire, c'était entièrement de la faute de Clare. A la minute où il avait posé son regard sur elle, il avait perdu l'envie de parler avec ses amis et n'avait pensé qu'au moment où il la trouverait enfin pour un tête-à-tête improvisé. Mais il n'allait pas lui dire ça, sa dernière envie était de la faire fuir. Le regard d'Hugo suivit celui de Clare jusqu'à l'océan calme et plongée dans le noir. Après une minute d'hésitation, il reprit la parole. « Tu veux aller faire un tour ? » Ils s'éloignèrent alors du chahut, marchant côte à côte jusqu'à ce qu'ils soient assez loin pour ne plus être embêtés par les cris des jeunes alcoolisés. La musique ne faisait plus qu'office de fond sonore et le calme du silence de la nuit semblait reprendre le dessus. Hugo s'arrêta et s'assit sur le sable, à quelques mètres de l'eau, retroussant ses genoux qu'il entoura de ses bras. « Comment vas-tu ? Comment t'es-tu occupée depuis... toutes ces années ? » demanda-t-il avec un sincère intérêt quand elle prit place à ses côtés. Ils ne faisaient plus partie de la vie l'un de l'autre et ne se connaissaient plus. Si Hugo avait l'opportunité d'en apprendre plus sur la vie qu'elle menait aujourd'hui, il n'allait pas passer à côté.

La jeune femme fut quelque peu étonnée par la réponse d’Hugo. En effet, il était toujours le premier à vouloir faire la fête. D’ailleurs quand ils étaient plus jeunes, il l’emmenait souvent à des feux de camps comme celui-ci et étaient de jeunes insouciants. La jeune femme sourit à ses propos. Elle aussi n’avait pas réellement envie de faire partie de la foule, allez savoir pourquoi. Elle n’avait pas le bourdon, non, mais quelques fois elle se comportait comme une louve solitaire. Lorsqu’il lui demanda d’aller faire un tour, la jeune femme l’observa de ses prunelles inquisitrices, puis le doute vint dans son esprit. Prenant une gorgée d’alcool, la jeune femme haussa nonchalamment les épaules. « Pourquoi pas. » Elle lui emboita donc le pas et l’ambiance se fit plus silencieuse, enclin à une intimité certaine, à des confidences. Le bruit du clapotis des vagues ce fit de plus en plus fort, et la jeune brunette écoutait ce son, comme une berceuse dont elle n’avait plus écouté le chant depuis des années. Clare s’assit en tailleur aux côtés du jeune blond. Elle se pinça les lèvres, ne sachant pas trop comment engager la conversation. Il était vrai que cela faisait des lustres qu’ils n’avaient pas parlés, du moins autre chose que du beau temps et de la pluie. Et heureusement, ce fut Hugo qui la devança. Malheureusement, ses paroles évoquèrent en elle un souvenir dont elle aurait voulu s’en passer. Comment elle allait ? C’était une chose dont elle-même ne connaissait pas la réponse, même si au fond, elle le savait. Même si cela faisait dix ans que cela c’était passé, son accident continuait de tourmenter ses rêves. Elle pensait que ces moments étaient révolus, à croire que non. « Et bien, je vais bien. » mentit-elle. Après tout, il ne risquerait pas de voir qu’elle mentait du moins elle l’espérait. Elle ne voulait pas éveiller le moindre soupçon. « Actuellement, je suis barmaid à la boite de nuit paradise night et toi ? J’ai entendu dire que tu étais moniteur de plongée. » Bien sûr, lui n’avait pas quitté sa passion comme elle l’avait fait. Elle se sentit soudain honteuse, pour tous ce qu’elle lui avait fait subir. Cela avait du être un calvaire pour lui, elle lui avait brisé le cœur comme elle avait brisé le sien. Au fond, Clare se sentait flattée qu’il s’intéresse toujours à elle. Elle s’apprêta à lui parler, mais elle se ravisa. Peut-être qu’il était encore trop tôt pour évoquer tout ça. Elle ne voulait pas gâcher ce moment si précieux à ses yeux. Le simple fait de se tenir près de lui, frôlant presque son bras, lui donnait un sentiment de quiétude. A moins que cela ne soit aussi l’effet de l’alcool, parce que oui, il lui fallait tout juste deux verres pour qu’elle commence à sentir les effets de l’alcool.

Eloignés des autres, Hugo avait presque l'impression qu'ils étaient seuls au monde. L'espace d'un instant, il fut ramené en arrière, à l'époque où ils passaient leur temps ensemble sans se soucier du monde qui les entourait. Il l'avait tellement aimé. Certains pourraient dire que leur relation avait été ridicule, qu'ils n'avaient été que des adolescents insouciants qui ignoraient la définition de l'amour. Mais Hugo était maintenant un adulte accompli et il savait qu'il avait vraiment aimé Clare, d'un amour qui ne pourrait jamais disparaître. Il avait connu d'autres femmes après elle mais jamais il n'avait ressenti ce qu'il avait pu éprouver pour la jeune femme qui se tenait à ses côtés. Elle avait été la seule à avoir une véritable importance à ses yeux, un véritable impact sur sa vie, et il ne pouvait pas l'oublier ni la laisser s'en aller. Il s'était battu pour elle, il avait essayé de limiter les dégâts, mais il n'avait pas été assez puissant pour empêcher leur rupture. Il avait fini par accepter la situation et l'avait laissée tranquille puisque c'était visiblement ce qui était le moins douloureux pour elle. Tout ce qu'il voulait pour elle était son bonheur, et il espérait qu'elle l'était aujourd'hui. Heureuse. « Je ne t'aurais jamais imaginée barmaid. Je devrais peut-être penser à y faire un tour plus souvent alors, » répondit-il avec sa taquinerie légendaire, s'empêchant de justesse de lui donner un coup de coude dans les côtes. Elle n'était pas sa pote, elle était son premier amour et il devait la traiter comme telle. Il tourna la tête vers elle et lui adressa un sourire sincère. « Oui, à l'Aqualife. Tu devrais venir faire un tour à l'occasion. » Quand il réalisa ce qu'il venait de dire, il secoua légèrement la tête, se pinçant les lèvres. « Seulement pour discuter. Tu me manques, Clare. » Depuis des années, Hugo ne réussissait pas à combler ce trou béant dans sa poitrine qu'elle avait laissé en le quittant. Il plongea son regard dans le sien, son bleu azur résistant à l'obscurité de la nuit. Le vent vint placer une mèche rebelle sur le visage de la jeune femme, et Hugo la remit délicatement en place derrière son oreille. Il n'avait pas pour habitude de se sentir gêné ou timide mais il se sentit presque intimidé à ce moment précis. Vulnérable. Il baissa les yeux et détourna le regard vers l'océan devant eux. « Comment ça se passe, d'ailleurs ? Tu vas un peu mieux ? » Clare n'aurait aucun problème à deviner qu'il parlait bien évidemment de sa phobie pour l'eau qu'elle avait développé suite à son accident, qui était aussi aux yeux d'Hugo le pire moment de sa vie, mais pour d'autres raisons différentes. Avec cette chute, Clare avait perdu l'amour de l'eau et Hugo avait perdu l'amour de sa vie.

La jeune femme observait le jeune brun du coin de l’œil. Ses prunelles bleues caressaient sa peau et elle se surpris à sourire. Tout simplement parce qu’il n’avait pas changé, du moins un peu quand même, il s’était embelli, il devait sûrement séduire beaucoup de jeunes femmes. Clare pensait qu’il avait du la détester pour s’être éloignée de lui, pourtant cela n’avait pas été simple, car sa douleur la retenait, sa peur s’immisçait en elle. « Ah bon ? Tu m’aurais vu comment alors ? » dit-elle en souriant. Clare était curieuse de savoir pourquoi il ne la voyait pas servir dans une boite de nuit. Etait-ce si surprenant que ça ? Elle hocha la tête positivement lorsqu’il évoqua une éventuelle visite à son lieu de travail. Elle but une gorgée de rhum et scruta son verre qui commençait sérieusement à se vider. Elle avait perçu son air taquin et cela la rassurait un peu. Son sourire sincère irradiait le corps de la jeune femme et fit l’effet d’une bombe à l’intérieur. « Oh oui avec plaisir, j’adorerais. » Elle lui renvoya son sourire et ses joues prirent une tête rosée, lorsqu’il lui annonça qu’il lui manquait. Non, il ne fallait pas qu’il lui dise ça, non elle n’était pas prête. Oh et puis zut, elle s’était dit que quand elle aurait fini son verre, elle lui dirait ce qu’elle a sur le cœur. Heureusement qu’il n’y avait pas trop de lumière, car il aurait peut-être vu que ces paroles avait fait l’effet d’un missile. Touché-coulé. Lui aussi, il lui manquait terriblement. Elle et sa chère fierté avait tout fichu en l’air. Elle sentit son cœur s’arrêter de battre lorsqu’il effleura de son index, son visage pour remettre une de ses mèches de cheveux bruns. « Oui, tellement mieux que la dernière fois j’ai failli me noyer ! » dit-elle en crescendo. Elle avait senti que sa voix était montée dans les aigus, comme prise d’une colère soudaine. Sauf que ce n’était pas contre lui qu’elle était énervé, mais contre elle. « Je crois que je ne monterais jamais plus sur une planche, c’est fini. » Sa voix se brisa, remplie d’émotions, son cœur allait exploser. Elle finit d’un jet son verre et se pinça les lèvres, avalant les dernières goûtes de rhum. Elle n’osait plus le regarder, il devait la détester. Pourtant c’était la dernière chose qu’elle souhaitait. « Hugo.. je suis désolée, je n’aurais pas du te laisser dans l’ignorance, mais je n’y arrivais pas. Tu dois sûrement me détester. » Ses yeux emplis de tristesse regardèrent vers le sol, honteuse. Pensant que la réponse était forcément dans son sens, elle ne voulait pas l’entendre et se leva rapidement, prenant son verre vide par la même occasion. L’effet de l’alcool s’était dissipé et se sentait faible. Faible parce qu’elle avait laissée ses sentiments parler. Mais cela en valait la peine, surtout pour lui.

« Je ne sais pas... » Oh si, il le savait, il avait seulement peur d'être honnête sur la question. Puis Hugo se rappela que ce n'était pas son genre de se retenir de dire les choses comme elles étaient et il n'allait certainement pas commencer aujourd'hui. « J'imagine que je te voyais avoir un avenir en tant que surfeuse, et rien d'autre. Tu étais faite pour ça. » Elle avait toujours été si passionnée par ce sport. Il se rappelait de l'étincelle dans ses yeux quand elle lui en parlait, de son corps qui épousait parfaitement la planche et qui se tenait en équilibre sur l'eau, invincible. Elle était jeune mais si douée. Hugo ne put cacher son sourire satisfait quand Clare accepta son invitation, sentant un poids s'enlever de sa poitrine. Si elle avait accepté, c'était qu'elle en avait envie et qu'ils allaient passer plus de temps ensemble. Etaient-ils sur le bon chemin pour revenir dans la vie l'un de l'autre ? C'était tout ce qu'Hugo souhaitait depuis des années, il n'avait jamais aimé cette distance entre eux et ces politesses qu'ils s'étaient échangées à chaque fois qu'ils se croisaient. Il avait l'impression que les choses allaient enfin changer et il espérait sincèrement que ce n'était pas que l'alcool qui parlait. Mais quand il entendit la voix de Clare grimper dans les aigus, Hugo se redressa comme alerté. Il avait touché un point sensible, il avait évoqué le sujet tabou et il regrettait presque d'avoir posé cette question. Mais c'était fait et il allait devoir en accepter les conséquences. « Je suis désolé, je ne voulais pas — » Peu importe ce qu'il dirait, Clare semblait déjà avoir pris sa décision et après avoir déballé un flot de mots à une vitesse impressionnante, elle se leva et s'éloigna de lui, sans lui laisser la chance de répliquer. Pris au dépourvu, Hugo resta assis sur le sable, seul, complètement perdu. Au bout de quelques secondes cependant, il se rendit compte que la laisser partir sur cette note serait une terrible erreur et il se dépêcha de se relever, partant à sa poursuite. « Clare, attends ! » Sa main vint chercher celle de Clare pour la forcer à se retourner et ce seul contact physique suffit à lui envoyer des frissons dans tout le corps. Il n'en laissa pourtant rien paraître et plongea son regard dans celui de son interlocutrice, son coeur battant à tout rompre dans sa poitrine. « Je ne te déteste pas. » Il avait articulé cette phrase d'une voix si basse qu'il se demanda si elle l'avait entendue, mais quand il vit son air surpris il n'eut aucun doute que c'était le cas. Il reprit alors d'une voix un peux plus assurée. « Je ne t'ai jamais détestée, je comprends pourquoi tu as agi comme tu l'as fais. J'aurais aimé que tu me laisses t'aider, que tu ne te renfermes pas sur toi-même de cette façon mais... Je ne t'ai jamais détestée. Je ne le pourrai jamais. »

Surfeuse. Une image qui fit grincer ses dents. La jeune femme avait trouvé sa vocation très jeune, grâce à son oncle, elle avait pu faire du surf et faire corps avec la mer, glisser sur les vagues. Et le pire c’était qu’elle était destinée à ça. Seulement, il a suffit du vent pour faire tomber le domino et entrainer sa lente descente aux enfers. Depuis son accident, elle n’avait jamais plus posé les pieds sur une planche, dix ans que cela trainait, comme un boulet enchaîné à ses pieds qui la tirait en arrière. La jeune femme n’avait pas demandé son reste et s’était retournée, en direction du bruit. Elle se pinça les lèvres jusqu’au sang lorsqu’elle l’entendit. Il était désolé, mais ce n’était pas du tout sa faute. Tout était de la sienne. Elle l’avait rejetée, il était normal qu’il la déteste, seulement, ses dernières paroles frappèrent l’esprit de la brunette. Elle lui manquait. N’était-ce pas une certaine marque d’affection, si infime soit-elle ? Alors qu’elle marchait d’un pas rapide, ravalant toute émotion qui menaçait son corps sous peu, elle sentit soudain une onde de choc l’envahir. Elle baissa la tête et les yeux écarquillés, aucun mot ne sortait de sa gorge. Hugo l’avait prise par la main et l’avait obligé à faire volte-face. Elle n’osait pas le regarder, même si elle sentait le sien faisant poids sur elle. Pourtant, elle releva la tête, ses yeux croisèrent les siens, et elle fut secouée par son affirmation. Ainsi il ne la détestait pas, elle c’était trompé. Pourtant, si, il le devait, elle lui avait fait mal. Posant le dos de sa main sur son front, la jeune femme ne savait plus quoi dire. Elle hocha la tête négativement, avant de poser une main sur ses lèvres. Puis, sentant qu’il fallait qu’elle agisse, elle avala sa salive puis ôta sa main. « Hugo… j’ai tellement été odieuse avec toi. Je m’en veux, si tu savais. Je n’arrivais pas, parce que tu me rappelais trop le surf et.. et c’est comme si une partie de moi avait.. disparue. Ohh Hugo, j’espère que tu me pardonneras un jour » dit-elle à voix basse. Elle s’avança lentement vers lui, puis le serra dans ses bras. Elle espérait sincèrement qu’il allait lui pardonner, qu’ils allaient prendre un nouveau départ. Puis, à contre cœur, elle se dégagea de lui et plongea ses iris azurs dans les siennes. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas été aussi proche de lui. Puis, elle lui fit un sourire, comme si de rien n’était. Clare était une jeune femme étrange et mystérieuse à la fois. Souvent rien ne l’atteignait, sauf tout ce qui touchait au surf et surtout à Hugo. « Et puis.. si tu es d’accord.. j’aimerais réessayer de dompter ma peur avec toi. Peut-être que la plongée m’aidera. » La jeune cligna ses yeux puis se dit que cette idée était probablement stupide. « Ou bien tu dois sûrement avoir beaucoup de choses à faire, je ne veux pas t’embêter. »

Hugo ignorait à quel moment il l'avait perdue. Elle avait eu l'air de bien vouloir lui parler ce soir, de mettre de côté la distance qu'ils connaissaient depuis des années pour enfin se retrouver comme ils en avaient eu l'habitude à l'époque où ils étaient encore ensemble. Et d'un coup, elle s'était levée pour le fuir et avait laissé Hugo dans une incompréhension totale. Cette réaction lui avait au moins prouvé une chose, il était hors de question qu'il la laisse lui échapper une nouvelle fois. Il ne savait pas ce qu'ils étaient désormais l'un pour l'autre mais il savait qu'il la voulait de nouveau dans sa vie, la raison pour laquelle il se releva pour la suivre et l'arrêter. Il aurait pu laisser tomber, accepter qu'elle ne voulait plus être à ses côtés comme elle ne l'avait pas voulu depuis des années. Il aurait enfin pu comprendre que rien n'était plus possible entre eux, pas même dans le domaine de l'amitié. Mais il était incapable de s'y résoudre, de la regarder s'éloigner. Il devait faire quelque chose, lui dire ce qu'il avait sur le coeur. « Je sais, Clare, je sais. » Hésitant, il ne savait pas comment s'y prendre pour la rassurer. Autrefois, il l'aurait embrassée pour la faire taire et lui aurait ensuite glissé au creux de l'oreille qu'elle n'avait pas à s'inquiéter, qu'il était là. Il aurait posé la main sur sa poitrine jusqu'à ce qu'il sente les pulsations de son coeur ralentir. Cette fois, il était complètement perdu mais c'est Clare qui fit le premier pas en se collant à lui. Il glissa alors ses bras autour de son dos et la serra contre lui, fermant les yeux pour mieux apprécier ce contact physique qu'il avait tellement désiré. « J'ai toujours su pourquoi tu avais agi de la sorte, je ne t'en ai jamais tenu compte. » Il se recula légèrement pour l'inciter à le regarder, puis entoura son visage de ses mains. Il esquissa un léger sourire alors que son regard ne quittait pas le sien. « Tu ne m'embêtes pas, » déclara-t-il de la plus simple des manières. Hugo mit fin à leur interactivité physique sans pour autant s'éloigner d'elle, enfonçant ses mains dans les poches de son short de bain - sa tenue habituelle lors des soirées sur la plage qui se finissaient souvent à l'eau. « Tu es la bienvenue. Quand tu seras prête, je le serai aussi, et on ira à ton rythme. Je veux t'aider, Clare. » Son regard glissa sur la fête qui continuait encore derrière eux, mais Hugo se sentait tellement loin de ses participants et de l'ambiance qui y régnait. Il se passa une main derrière la tête et reporta son attention sur Clare. « Je vais y aller, je ne suis pas tellement d'humeur à m'amuser. Tu--Tu as besoin que je te ramène ? » Ce n'était qu'une excuse pour passer un peu plus de temps avec elle. Clare avait peut-être envie de rester pour continuer à boire et traîner avec ses amis, mais qu'elle lui réponde positivement ou négativement, Hugo comptait bien arrêter pour ce soir.

Dans ses bras elle était comme rassurée. Il était comme un dôme dans lequel aucune menace ne pouvait entrer et la blesser. A ses paroles, son corps se radoucit, elle laissa la fraîcheur céder à cette chaleur qui émanait de lui l’entourer, l’envelopper comme dans un cocon. Il la pardonnait d’une certaine manière et même totalement selon ses dires. C’était comme si son pêché avec été repentit par lui, qu’elle pouvait penser tranquillement, sans ce mal qu’elle lui avait fait. « C’est gentil de comprendre, je te savais pas si compréhensif, de toute manière je ne t’ai jamais laissé le choix. » dit-elle à voix basse. C’était elle qui avait décidé et il avait subi les conséquences. Il se détacha d’elle et malgré ce bref contact, elle sentit un sentiment de manque, comme il y a dix ans, lorsqu’elle était avec lui. Elle agrippa ses mains, laissant ses doigts effleurer les siens, son visage entre ses mains. Elle répondit à son sourire chaleureux. « Alors, je viendrais avec joie. » Il l’accueillerait comme si elle était chez elle, et le toute dans un rythme contrôlé par elle. Ses prunelles étaient brillantes, comme une flamme qui se rallumait en elle. Peut-être qu’avec Hugo, la jeune américaine pourrait vaincre ses démons et se laisser aller. « C’est gentil, ça.. ça me touches. » Oh oui qu’elle était contente, cela lui permettrait de reprendre contact avec l’eau et puis elle avait envie de passer du temps avec lui, d’apprendre, de plonger ses yeux dans les siens et d’y retrouver une complicité qui n’avait jamais disparue entre eux. La jeune femme suivit le regard du jeune homme pointé sur la fête qui battait son plein. Elle sentit son regard sur elle, tandis qu’elle cherchait ses amis. Elle opina à ce qu’il venait de dire et reporta son sur lui. « Moi non plus.. Oh, tu n’as rien de mieux à faire ? » dit-elle avec un air de malice. Elle serait ravie de rester en sa compagnie. Après tout l’alcool avait été son seul compagnon de la soirée avant qu’Hugo ne débarque. Elle le poussa légèrement avec son épaule, éclatant de rire.